Femmes invisibles et mères solos

Publié le par Fabienne Sartori

Femmes invisibles et mères solos

Elles sont 7000 en France. Elles sont invisibles. On sait qu’elles ont été atterri dans la rue suite à ce les journalistes appellent avec sollicitude un « accident de la vie ». Pourtant, il y a eu , à un moment donné de véritables acteurs, des personnes, en chair et en os, qui les ont exclues, dépossédées du peu qu’elles avaient : un mari alcoolique et violent, un homme dont elles se séparent et qui les empêche de voir leurs enfants, un employeur ou un propriétaire qui les jette à la rue, et puis aussi des professionnels de la justice ou de l’aide sociale qui ne leur disent pas leurs droits, et puis aussi, on ne sait où ni dans quelles mains, des dossiers qui suivent leur cours incroyablement lent, des papiers d’identité volés, des réponses de l’administration qui se font attendre, les prestations auxquelles elles ont renoncé, celles dont on ne leur a pas signalé l’existence… Elles vivent dans les replis de la ville, les recoins sales où elles dorment, les parkings souterrains où elles étalent leurs rares affaires en compagnie d’un chien et d’un collègue de galère. Aucune intimité. Et face à la caméra et aux questions des journalistes, il est plus facile de garder un reste de dignité en déclarant qu’elles ont été abusées ou qu’elles sont « accroc aux drogues dures » plutôt que d’avouer qu’elles sont PAUVRES.

Idem pour les mères célibataires : 1 à 2 millions en France. 40% des pensions alimentaires ne sont pas payées par le conjoint. Une avocate signale tardivement à l’une d’elles que le recouvrement des pensions ne relève pas du pénal mais du civil, et qu’elle aurait dû faire appel à un huissier ! Le non-versement des pensions alimentaires a des conséquences sur la vie quotidienne de 3 millions d’enfants en France.

Même si les documentaires sont intéressants et émouvants, je suis critique à l’égard de la trame narrative généralement employée dans ces enquêtes « au fil du temps » qui accompagnent des protagonistes pour lesquels les téléspectateurs éprouvent de l’empathie. Tout se déroule comme si on devait s’attendre à un happy end. Comment sortir de la rue et de la précarité ? Une rencontre, une assistante sociale, un nouveau service un bon renseignement ou un emploi et chacune pourrait s’acheminer vers une success story. C’est méconnaître l’impact durable de l’appauvrissement sur le corps et le psychisme, et ses conséquences durables pour les enfants. Les deux documentaires contenaient très peu de données informatives et surtout, dans le débat animé par Marina Carrère d’Encausse, la volonté d’interpeller énergiquement les pouvoirs publics était absente.

« Femmes invisibles : survivre dans la rue » de Claire Lajeunie et « Mamans solos » de Maya Bellanger sur France 5 le 29 septembre 2015

Publié dans Edito

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