Soumission

Publié le par Fabienne Sartori

Soumission

Je suis à la page 112 du livre de Michel Houellebecq. Et pas vraiment enthousiasmée. Le début est bien écrit, intéressant en raison de la description comique du monde de la recherche universitaire. Phrases élégantes, conjugaison soignée. Ensuite, le récit prend la tournure d’une chronique bizarre. Après avoir accédé à un poste d’enseignant à l’université, le narrateur est-il pris par la routine ? La médiocrité finit-elle par guetter tout travailleur, même dans le domaine du savoir et de la culture ? Quelle est la présence, la chair de ce personnage ? Un homme réduit aux plats qu’il consomme (des plats cuisinés enfournés à la va-vite dans le four à micro-ondes, des sushis commandés en vue d’une soirée amoureuse qui tourne court, etc.) Côté boissons : Il commence par le thé à la menthe, la bière (s’agit-il de placement de produits comme au cinéma ?), le Porto, le Champagne, etc. Au gré des rencontres, des réunions, des invitations, les protagonistes boivent et boivent encore. D’ailleurs, le verbe « se resservir » « se resservir à nouveau » apparaît à plusieurs reprises. Description d’une société cultivée et bien-pensante mais sous l’emprise de l’alcool (pour se démarquer de celle qui use de drogues et de psychotropes ?) Goût de l’alcool mais aussi vagabondage sexuel, liaisons passagères avec de jeunes étudiantes. Des séances de sexualité, dont l’auteur a sans doute souhaité émailler le roman, émerge principalement une impression de solitude psychique. Les femmes sont réduites à des êtres fantomatiques pourvus de cuisses et de dessous affriolants, dont la chair semble destiné à se corrompre et s’affaisser avec l’âge !

Rumeurs, commentaires, conversations privées. Bref, il ne s’est encore rien passé de vraiment intéressant, sauf les échos lointains de violences et les résultats d’élections qui pourraient bien transformer radicalement la société. Si une semblable transformation devait avoir lieu, se pourrait-elle qu’elle se produise finalement sans bruit ? Et si nous nous étions habitués à nous accommoder des inégalités, de la violence, de la misère qui gangrènent la société ? Le microcosme universitaire a l’air d’être épargné par les transformations : pour l’heure le narrateur s’est contenté de prendre quelques dispositions bancaires. En fait on se demande si : Houellebecq décrit sa propre vie quotidienne (quel ennui !), s’il ironise sur la vie supposée de ses contemporains (cela pourrait être intéressant), s’il décrit la misère de l’HOMME contemporain (Houellebecq serait-il, finalement, féministe ? C’est sûr que les grands moments de l’HISTOIRE risquent de se produire, à l’avenir, indépendamment de la volonté de tels hommes… )

Obliger le lecteur à errer, lui aussi, entre diverses suppositions : c’est en cela que réside la technique narrative de Houellebecq.

Cependant chaque ligne du célébrissime auteur fait surgir une interrogation : et si finalement, j’étais en train de perdre mon temps ?

Houellebecq, Michel. Soumission. Paris: Flammarion, 2015.

Publié dans Livres

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